Début 2023, j’ai choisi la motivation comme un de mes thèmes de l’année. Cet article est donc le premier d’une longue série ! Ce sujet m’intéresse à plusieurs titres :
- La centaine de théories motivationnelles offre un grand champ d’exploration,
- Cela m’aide à mieux vous accompagner dans l’identification de vos sources de démotivation et de motivation,
- Plus personnellement, cela m’aide à garder ma motivation au travail :).
Lorsque nous évoquons la motivation au travail, plusieurs questions se posent : pourquoi est-on motivé, à l’inverse pourquoi nous ne le sommes pas, comment rester motivé(e), comment motiver son équipe, etc.
La première question reste celle-ci : qu’est-ce-que la motivation ? L’une des définitions qui fait plutôt consensus est celle donnée par Vallerand et Thill1 (ne soyez pas effrayés par le début de la citation !) :
Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement.
Vallerand & Thill1, p.18
Le déclenchement
C’est le passage de l’absence à l’exécution d’une action qui nécessite une dépense d’énergie physique et/ou intellectuelle et/ou mentale. La motivation fournit cette énergie nécessaire à l’action.
La direction
Le comportement va dans une direction donnée, en l’occurrence une ou des finalités. La motivation oriente le comportement.
L’intensité
La motivation régule l’énergie (efforts) à consentir selon les objectifs fixés.
La persistance
La motivation permet d’inscrire le comportement (direction et intensité) dans la durée, dans la régularité.
Je vous le disais, il existe de nombreuses théories sur la motivation au travail, certaines assez générales, d’autres orientées sur des problématiques ciblées. Selon le modèle intégratif proposé par Fabien Fenouillet2, ces théories peuvent être classées par ensembles conceptuels, qui s’articulent pour représenter une forme de « processus psychique« 3 de la motivation.
Ce schéma, dont je peine à tout comprendre, démontre toute la complexité de ce sujet ! Néanmoins, il aide à appréhender quelques subtilités. Par exemple, certaines théories visent à expliquer la source primaire de la motivation d’un point de vue psychologique. D’autres mettent en évidence des facteurs externes à l’individu. Il y a aussi les théories qui créent des liens entre motivation et perception de notre capacité à réussir. Etc.
Pour démarrer cette série d’articles, j’ai décidé de vous présenter les trois théories motivationnelles suivantes :
- La théorie des besoins de bases de Deci &Ryan qui constitue un des socles de la théorie de l’autodétermination (dont je vous parlerai dans un prochain article).
- La théorie de l’équité d’Adams6, très intéressante car appliquée au monde du travail,
- La théorie de fixation d’objectifs qui décortique le type de buts à se fixer pour être motivé(e).
1/ Les 3 besoins de base de Deci & Ryan
La théorie de l’autodétermination dont je vous parlerai prochainement repose sur d’autres théories, dont celle des besoins psychologiques de base. Ils sont au nombre de trois : l’autonomie, la compétence et l’appartenance. Pour Deci & Ryan, toute motivation humaine puise sa source dans ces trois besoins.
La théorie de l’autodétermination considère que l’autonomie, la compétence et les relations sont des ingrédients essentiels pour une motivation soutenue et des nutriments pour la croissance, le bien-être et l’épanouissement des individus.
Selon Edward Deci et Richard Ryan, citation extraite de Libérer la motivation4, p. 84
Ainsi, notre motivation est plus qualitative lorsque nous sommes engagés dans des activités nourrissant ces trois besoins (de façon consciente ou non). A l’inverse, notre motivation est impactée dès lors qu’un de ces trois besoins est frustré.
(…) Les individus vont s’impliquer dans les activités en fonction de la propension qu’ont les environnements à fournir ces nutriments qui vont satisfaire leurs besoins de base. Plus une activité satisfait les besoins de base, plus elle est « intéressante » et conduit au bien-être, et donc au développement des individus.
Csillik & Fenouillet5, p. 235, à propos de la théorie des besoins de base de Deci & Ryan
Retenons que si ces besoins sont universels, ils ont une signification différente pour chacun d’entre nous. Aussi, les façons de les satisfaire varient d’un individu à l’autre.
Le besoin d’autonomie
Ici, l’autonomie ne signifie pas que nous sommes libres de faire ce que nous voulons, comme nous le voulons, et quand nous le voulons. Il s’agit plutôt de la possibilité de faire en étant aligné et cohérent avec ce que nous sommes.
Dans une situation professionnelle, il arrive que nous n’ayons pas le choix des projets ou des personnes avec lesquelles nous travaillons. Pour autant, nous pouvons nous sentir autonomes car nous restons en harmonie avec ce que nous sommes et ce que nous aimons. Cela est le cas dès lors que nous avons la possibilité de nous exprimer, que nous avons un champ de responsabilité qui nous convient, que nous pouvons prendre des initiatives et que nous ressentons une liberté d’action suffisante.
Le besoin de compétence
Selon la TAD, le besoin de compétence est comblé quand nous avons la possibilité de conduire des activités qui mobilisent nos talents. De plus, ce besoin est satisfait si nous pouvons aisément percevoir l’impact positif de nos actions et que nous nous sentons efficaces.
C’est également le cas si nous conduisons des activités qui contribuent à notre développement.
A l’inverse, ce besoin est frustré dans les situations où nous doutons de notre capacité à réussir. Ou si nous nous sentons en difficulté.
Le besoin d’appartenance
Ce besoin est satisfait dès lors que nos relations sont établies, et s’inscrivent dans une réciprocité (attention, partage, reconnaissance, équilibre, stabilité, solidarité, échanges, etc.), dans les bons et dans les mauvais moments (ex : soutien face à une charge de travail importante).
Ce besoin est frustré lorsque nous avons le sentiment d’être mis à l’écart, ou que nous ne sommes pas à l’aise dans nos relations (ex: intimidation, brimade, manque de confiance, carence de soutien).
2/ L’équité comme source de motivation
Qui n’a jamais eu le sentiment de vivre une situation injuste au travail ? En réponse, certains ont probablement fait le choix d’en faire moins pour compenser.
La théorie de l’équité d’Adams6 modélise nos réactions face aux dissonances. Elle s’appuie sur notre tendance à nous comparer aux autres (au sein de notre entreprise, et à l’extérieur).
Pour Adams, nous ajustons notre motivation selon le niveau d’équité perçu (motif secondaire). Pour évaluer ce niveau, nous comparons deux ratios (selon Roussel7) :
Ratio d’équité personnel (Rp)
= Rétribution personnelle/contribution personnelle
- Rétribution personnelle : ce que mon travail m’offre en termes d’avantages
- Contribution personnelle : les efforts que je consens pour réaliser mon travail (ex : temps, formations, etc.)
Ratio d’équité autrui (Ra)
= Rétribution d’autrui/contribution d’autrui
- Rétribution d’autrui : ce que leur travail leur offre en termes d’avantages (tels que je les perçois)
- Contribution d’autrui : les efforts qu’ils consentent pour réaliser leur travail (tels que je les perçois)
Si selon nous, Rp=Ra, alors il n’y a pas de dissonance et cela n’impacte pas notre motivation.
Si Rp>Ra, alors nous percevons une sur-équité (ou sentiment d’iniquité favorable). Cela signifie que pour une même rétribution, notre contribution est moindre que celle des autres. Ou bien, pour une même contribution, notre rétribution est meilleure. Pour rétablir l’équité, nous allons plutôt agir sur notre contribution : il est très probable que nous consentions plus d’efforts (ou en tout cas que nous maintenions notre niveau d’effort).
Si Rp<Ra, alors nous percevons une sous-équité (ou sentiment d’iniquité défavorable). Cela signifie que pour une même rétribution, nous contribuons plus que les autres. Ou que notre rétribution est inférieure à celle des autres, alors que nous contribuons autant. Dans ce cas, il est possible que nous baissions notre contribution (baisse d’efforts, et donc de motivation). Une autre option est d’aller négocier une meilleure rétribution 🙂
3/ Objectifs et motivation
Comment se motiver ? Comment motiver son équipe ? C’est à cette question que répond la théorie de fixation des objectifs (développée par Locke et approfondie sur plusieurs décennies) : en (se) fixant des buts. Mais pas n’importe lesquels.
A. Quelles sont les caractéristiques d’un but motivant ?
Selon Locke et Latham8, l’objectif doit être difficile et spécifique. S’il répond à ces critères, il offre quatre fonctions intéressantes :
Il a une fonction directive (direction)
De façon triviale, un objectif, dès lors qu’il est précis/spécifique, accroit l’attention et l’effort dans une direction donnée. Par exemple, si notre objectif est de surveiller notre enfant au parc, nous ne verrons pas l’enfant du voisin quitter ce même parc !
Il a une fonction énergisante (intensité)
Plus l’objectif est difficile à atteindre et spécifique, plus la probabilité d’être performant est haute. En effet, en ayant conscience qu’un but est difficile, nous allons avoir tendance à fournir un effort proportionnel, et donc plus élevé que pour un but plus aisé à atteindre.
Il accroît la persistance
Les études conduites sur la fixation d’objectifs ont démontré que plus un but est difficile, plus nous consentons à fournir des efforts dans la durée.
Il force à développer des stratégies
Un but difficile et spécifique nécessite de mettre en place des stratégies adaptées. Ceci est d’autant plus vrai que nous faisons face à des situations nouvelles pour atteindre ce but.
Est-ce qu’un but difficile et spécifique peut devenir démotivant ? Oui !
- Si les stratégies à déployer sont plus importantes que l’effort à consentir pour atteindre le but fixé,
- S’il y a plusieurs stratégies possibles pour atteindre le résultat,
- Si choisir la meilleure stratégie n’est pas triviale,
- Si la pratique du Test & Learn n’est pas possible (tester une stratégie et en essayer une nouvelle le cas échéant).
B. Un but difficile et spécifique : nécessaire mais non suffisant
Il existe d’autres conditions pour qu’un but difficile et spécifique soit source de motivation.
Tout d’abord, nous devons accepter ce but (notamment en entreprise, lorsqu’il nous est imposé). Nous l’acceptons plus aisément quand il nous intéresse, et nous sommes persuadés que nos compétences permettront de l’atteindre et de développer les stratégies idoines.
Puis, il est important que nous bénéficions d’un feedback régulier. Sommes-nous sur le bon chemin ? Adoptons-nous la bonne stratégie ? Nos efforts sont-ils à la hauteur de l’enjeu ?
Lorsque nous poursuivons des objectifs à titre individuel (entrepreneur, objectifs personnels, etc.), nous pouvons manquer de feedback. D’où une altération de notre motivation malgré un objectif ambitieux…
J’espère que ce premier partage vous apporte déjà des axes de réflexion pour retrouver et/ou maintenir votre motivation. A bientôt pour l’épisode n°2 !
Sources
1Vallerand, R. J. et Thill, E. E., Introduction à la psychologie de la motivation, Laval : Éditions Études Vivantes, 1993
2http://lesmotivations.net/spip.php?rubrique7
3http://lesmotivations.net/spip.php?article12
4Forest J., Van den Broeck A., Coillie V. & Mueller M.B., Libérer la motivation, Québec, Editions Edito, 2022
5Csillik A. & Fenouillet F., « Chapitre 13. Edward Deci, Richard Ryan et la théorie de l’autodétermination », dans : Philippe Carré éd., Psychologies pour la formation. Paris, Dunod, « Éducation Sup », 2019, p. 223-24
6Adams, J.S., « Toward an understanding of inequity », Journal of Abnormal and Social Psychology, 1963, n°67, p. 422-436.
7Roussel P., Rémunération, Motivation et Satisfaction au Travail, Paris, Economica, 1996
8Locke E. A., & Latham G. P. , « Building a practically useful theory of goal setting and task motivation: A 35-year odyssey », American Psychologist, 2002, 57(9), p. 705–717.
Last Updated on 23 octobre 2024 by Daphnée DI PIRRO