Récit n°2 – De la supply chain à la data

Raphaël partage sa reconversion dans la data, qui a démarré grâce à un échange informel avec un ancien chef. Son témoignage est inspirant car il montre la force de la mise en action et du réseau. 

Au commencement, comment ne pas me fermer de portes


Arrivé en terminale, je n’ai pas vraiment de vocation. Comme j’ai un bon dossier scolaire, je décide de faire une classe préparatoire scientifique. En choisissant ce choix “généraliste”, je gagne 2 ans de plus pour réfléchir.
A l’issue des concours, je réussis à intégrer une bonne école du concours des Mines, généraliste : je me dis “ok, je la rejoins, et puis j’aviserai”. Dans cette volonté de ne pas me fermer des portes, je choisis un peu par défaut le département “génie industriel”. L’enseignement est celui qui me spécialisera le moins et me permettra de travailler dans de multiples environnements.
Je fais donc mon école d’ingénieurs. Puis je décide de compléter cette formation par un mastère spécialisé à HEC, un petit peu pour la « carte de visite ». Encore une fois, pour me donner une composante généraliste, je choisis un mastère spécialisé (MS) en management de projet.

Un démarrage dans le conseil


Un stage et des premiers doutes

Au cours de mes études d’ingénieurs, des consultants d’un gros cabinet de conseil viennent nous présenter l’activité. L’un d’entre eux est un ancien élève de mon département, très charismatique et je le trouve très inspirant. J’essaye de postuler lors de mon année de césure, mais je ne suis pas pris. Néanmoins, je garde cette option dans un coin de ma tête.

Ainsi, en sortie de MS, je décide de postuler à nouveau dans ce cabinet de conseil pour un stage, et je suis pris. Je commence mon stage de 6 mois et assez vite je sais que le conseil n’est pas fait pour moi. Deux éléments me gênent :  être très dépendant des exigences du client et devoir partir en mission un peu n’importe où du jour au lendemain. 

Avant la fin de mon stage, je décide donc de chercher ailleurs, et plus particulièrement dans le luxe. En année de césure et en stage de fin d’études, j’avais travaillé pour une grande marque de luxe et j’avais beaucoup aimé cette expérience. Je commence un process de recrutement dans cette entreprise. En parallèle, le cabinet de conseil où je suis en stage me propose un emploi. Je suis transparent : je leur dis que je ne suis pas sûr de vouloir rester dans le conseil et que je suis en process de recrutement ailleurs. Mon chef me dit qu’en attendant, je peux accepter leur offre, et que même si je pars au bout d’un ou plusieurs mois, cela est toujours ça de pris pour eux car ils ont, à ce stade du projet, besoin de monde. Finalement, le process chez la grande marque de luxe n’aboutit pas et je reste dans le conseil. 

Une expérience riche, mais le conseil, ce n’est pas fait pour moi

J’y reste au final pendant 3.5 ans. Au bout des 10 premiers mois, ma direction m’annonce que ma prochaine mission est en province. Je ne suis pas vraiment content de devoir passer 4 jours par semaine en déplacement. Cependant, cette expérience qui dure 1.5 ans me plaît beaucoup et ceci pour plusieurs raisons :

  • D’abord, je travaille sur un site de production, et j’aime ce contact au terrain, être confronté aux véritables problèmes. J’ai effectué mes premières missions dans des sièges d’entreprise, et j’apprécie d’être dans un environnement moins codifié.
  • Puis, j’ai un manager très humain et respectueux, composante que je vais finir par considérer comme essentielle dans mes futurs postes. Mes premiers mois dans le conseil ne se sont pas déroulés de façon idéale. Ce manager est top, je prends du plaisir à travailler avec lui sur ces problématiques plus industrielles qui, par ailleurs, me plaisent beaucoup. 

A la fin de cette mission, je retourne à Paris. Je démarre une nouvelle mission et cela n’est pas extraordinaire. Le patron de mon entité finit par me dire qu’effectivement, le conseil n’est peut-être pas fait pour moi, et que les perspectives d’évolution s’amenuisent. De mon côté, j’ai la conviction définitive qu’il faut que je sorte du conseil, que ce n’est pas fait pour moi. Je décide donc de partir.

Aux prémices de ma reconversion, une expérience difficile


Une fois cette décision prise, je me mets à la recherche de la prochaine étape. Dans l’opérationnel, avec une composante luxe. Je ne trouve pas d’offres très intéressantes. Cependant, j’en vois une dans une entreprise de commerce en ligne. Mon profil est assez bien adapté et je suis recruté. Mon rôle est de faire de la gestion de stock pour une catégorie de produits donnée. Je fais cela pendant 3.5 ans, sur 3 catégories différentes. J’aime cette expérience opérationnelle, connectée au terrain.  

Puis, je ressens l’envie d’évoluer vers des fonctions managériales. C’est notamment un moyen de monter en grade, ce qui est plus difficile à faire en restant contributeur individuel. En outre, cela fait presque 10 ans que je travaille et je n’ai encore jamais été manager. Aussi, je me dis “il va bien falloir commencer à l’être, sinon je serai trop vieux”. J’engage donc ce processus d’évolution dans mon entreprise. Je regarde également les offres en externe. Et j’en trouve une incroyable chez une grande marque de luxe. Je postule. Ainsi, alors que je viens de prendre un poste de manager dans mon entreprise, j’apprends que je suis pris (le process a lieu en même temps que ma prise de fonction dans mon entreprise actuelle). Je choisis donc d’y aller.

Malheureusement, cela s’avère être une mauvaise expérience, un désenchantement sur le luxe et sur le management. Je ne réussis pas à trouver ma place et mes relations avec ma manager directe sont difficiles. Je ne bénéficie pas des marges de manœuvre affichées dans la fiche de poste. Ma collaboratrice ne me respecte pas en tant que manager et me court-circuite régulièrement. Je décide donc d’arrêter à la fin de ma période d’essai.

Une reconversion engagée grâce à une démarche réseau


A la recherche d’un nouvel environnement de travail

Quelque temps avant la fin de ma période d’essai, je décide de commencer à chercher ailleurs. Il se trouve que l’un de mes anciens patrons de l’entreprise de commerce en ligne est devenu directeur de la branche française d’une entreprise de livraison (à cette époque, petite entreprise de moins de 100 personnes, connue pour sa qualité de vie au travail). J’en ai alors un peu marre des grandes structures et je recherche un environnement sain. 

Quelques mois avant, j’ai commenté, sur Linkedin, une publication d’un de mes anciens chefs. Cette publication faisait état de la qualité de vie au travail dans sa nouvelle entreprise. Sur le ton de la plaisanterie, je lui ai demandé s’il avait un poste à me proposer (ce qui était le cas, mais je n’étais pas dans une dynamique de mobilité à ce moment-là). Je décide donc de le contacter pour un échange.

Une discussion informelle à l’origine de ma reconversion

En toute sincérité, ma seule ambition pour cette échange est d’en savoir plus sur l’environnement et l’entreprise. Je ne cherche pas à me faire recruter.

Je vais donc le voir un soir, dans cette optique. Nous discutons pendant 1h30. Je lui fais part de mes difficultés dans le poste que j’occupe à ce moment-là. Au cours de la discussion, il évoque le fait qu’ils recherchent actuellement un lead analyst pour remplacer celui qui est sur le départ. Ils souhaitent donner une nouvelle dimension à ce poste, en l’intégrant au CODIR afin que la data alimente la prise de décision. Pour ce faire, ils recherchent un profil plus expérimenté sur l’aspect stratégique (les compétences techniques sont alors secondaires).  

Cet ancien chef trouve mon profil intéressant. Il a déjà travaillé avec moi, il sait comment je bosse. Il connaît mes qualités humaines et ma capacité à avoir de bonnes relations avec des interlocuteurs très variés

De fait, il me demande si cela peut m’intéresser. J’avoue, qu’au début, je suis hésitant. Même si la data a toujours été centrale dans mes précédents postes, ce n’est pas mon cœur de métier. Je lui demande donc un temps de réflexion.

Je choisis finalement de tenter ma chance

Pour faciliter ma prise de décision, mon futur chef me fait rencontrer le lead analyst partant. Cet échange me convainc de postuler. Finalement, je n’ai rien à perdre, et retravailler avec ce chef, dans un environnement bienveillant, est une grande source de motivation. 

A l’issue des entretiens, nous sommes encore deux personnes en lice. C’est l’autre personne qui est retenue en première intention, mais cela n’aboutit pas. J’obtiens donc ce poste et ma reconversion démarre ainsi. 

Je tiens à préciser que mon CV n’aurait probablement pas été retenu par les recruteurs car, bien que secondaires, il me manquait clairement des compétences techniques pour exercer ce métier.

Ce qui a facilité ma reconversion


La possibilité offerte de me reconvertir

Jusqu’à cette opportunité, le fil conducteur de mon parcours était la composante supply chain. J’ai fait mes premiers choix de carrière sans trop me poser de question. J’étais formé sur ce sujet, cela me semblait logique de chercher à travailler dans ce domaine (que ce soit dans le conseil ou dans l’opérationnel).
Peut-être que sans cette opportunité d’évoluer vers la data, je serais resté dans ce secteur sans envisager de reconversion. Sans cette possibilité, il aurait fallu que je reprenne des études pendant un an, et que je me sente légitime pour chercher un job dans ce domaine. Je ne suis pas sûr que cela aurait été faisable.  

Un cadre bienveillant et soutenant

J’ai travaillé avec ce chef que je connaissais, qui me faisait confiance, qui était bienveillant, humain et enthousiaste. L’entreprise dans son ensemble m’a laissé le temps de m’acclimater, sans me mettre beaucoup de pression. Ce cadre très bienveillant a été un facteur clé de réussite. Il m’a permis de dépasser les quelques doutes que j’ai pu avoir sur ma légitimité.

Un socle de départ sur lequel m’appuyer

Même si ce n’était pas mon cœur de métier, j’avais quand même beaucoup fait de data dans mes précédents postes. J’avais donc toujours eu cette dimension dans mon travail. Par ailleurs, je me sentais plutôt bien « câblé » pour pouvoir faire cette transition. 
De plus, ma capacité à avoir de bonnes relations avec les gens, de ne pas avoir peur de les aborder a facilité mon intégration et ma prise de poste. 

L’intégration et la formation proposées

Quand je suis arrivé, j’ai bénéficié d’un on-boarding pour rencontrer les différents services et cela m’a beaucoup aidé à m’intégrer. C’est maintenant devenu une bonne pratique dans beaucoup d’entreprises et je trouve ça essentiel pour qu’un collaborateur puisse se sentir accueilli et puisse appréhender toutes les facettes de l’entreprise.
En outre, j’ai été formé par un lead analyst du siège dont la mission était de chapoter les lead analyst de chaque pays. Il a passé du temps avec moi pour me former. Puis, j’ai évolué en autodidacte. 
Un léger complexe d’infériorité par rapport aux autres lead analyst de la boîte a persisté. Pour le dépasser, j’ai suivi une formation cofinancée avec mon entreprise en data science dans une école d’ingénieurs parisienne (25 jours de formation répartis sur une année, avec mémoire professionnel en guise de validation). Bien évidemment, je n’ai pas tout appris en 25 jours. Néanmoins, cela m’a permis d’acquérir un nouveau socle et de faciliter mon travail au quotidien. 

Le fait que je ne remplace pas « exactement » un prédécesseur expert

Au départ de mon prédécesseur, le poste a été remanié vers une dimension plus stratégique, et moins technique. Cela m’a aidé à ne pas souffrir la comparaison car j’ai été recruté en raison de mon expérience, cohérente avec le nouveau périmètre du poste.  

Mes premières victoires

Au bout de 6 mois / 1 an, j’ai réussi à avoir des premières victoires, en apportant de la valeur ajoutée. Cela a contribué à me sentir à l’aise et légitime.

Mon conseil à ceux qui envisagent une mobilité ou une reconversion : OSER


Oser aller au contact de son réseau

Mon premier conseil est de ne pas hésiter à aller au contact de son réseau. Ma reconversion a été impulsée par cet échange avec mon ancien chef. Je n’avais pas d’intention particulière quand je l’ai recontacté, si ce n’était en savoir plus sur la boîte et l’environnement. 

Oser rencontrer des professionnels

Se renseigner sur le job visé car nous avons tendance à idéaliser certains environnements ou certains métiers. Ainsi, il faut multiplier les rencontres qui peuvent témoigner de leur quotidien.

Oser même si on ne coche pas toutes les cases

Personne n’a le CV parfait pour un job. Aussi, il faut oser « mettre le pied dans la porte ». Dans mon cas, si je n’avais pas osé recontacter cet ancien chef, mon CV n’aurait jamais été retenu. Les boîtes cherchent des softskills, car les hardskills peuvent s’acquérir. Cocher 100% des cases n’est

Oser assumer ce qui est important pour soi

Dans mon cas, mon expérience m’a montré que la dimension humaine était une composante clé de mes choix de carrière. J’ai toujours eu à cœur de travailler avec des personnes avec qui je m’entendais bien, dans un environnement réellement bienveillant. Aussi, évoluer dans un environnement qui rassemble ces composantes  est devenu clé dans ma recherche d’emploi.

Par ailleurs, je suis quelqu’un d’empathique et de gentil. Au début de ma carrière, j’ai vécu ce trait de caractère comme une faiblesse, jusqu’à ce qu’un de mes chefs m’invite à le considérer comme une force. Et cela a été un réel atout dans ma reconversion, cela m’a permis de m’intégrer facilement, et cela m’aide au quotidien dans mon développement.  

Où j’en suis aujourd’hui ?


Je suis resté 4.5 ans dans ce poste, que j’ai quitté récemment. Je poursuis dans ce domaine, dans une entreprise de commerce en ligne. Elle correspond à mes attentes en matière de qualité de vie au travail. Ma mission est axée sur le traitement de la data au service de la stratégie. 

Je continue de progresser dans ce métier, je continue d’apprendre. Pour ce faire, je passe beaucoup de temps en interne avec des experts, pour mieux appréhender les méthodes d’analyse des données par exemple. Nous avons aussi accès à une plateforme de formation en ligne pour pouvoir nous renforcer sur les dimensions que nous souhaitons.  

Last Updated on 8 February 2023 by Daphnée DI PIRRO