Hacker sa vie professionnelle – Prérequis !

𝑉𝑒𝑟𝑟𝑜𝑢 𝑝𝑎𝑟 𝑣𝑒𝑟𝑟𝑜𝑢 𝑒𝑡 𝑙’𝑢𝑛 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑙’𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑎 𝑐𝑙𝑒𝑓 𝑑𝑢 𝑏𝑜𝑛 ℎ𝑎𝑐𝑘𝑒𝑟 (…) 𝑂𝑛 𝑛𝑒 𝑝𝑒𝑢𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑜𝑢𝑣𝑟𝑖𝑟 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑛𝑒𝑢𝑓 𝑎𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑑’𝑎𝑣𝑜𝑖𝑟 𝑑𝑒́𝑏𝑙𝑜𝑞𝑢𝑒́ 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 ℎ𝑢𝑖𝑡.

Fred Vargas1, p. 398

Pour se sentir bien professionnellement, c’est un peu le même principe. Certains verrous nous empêchent, parfois, d’occuper pleinement notre poste. Ou bien de donner vie à un projet d’évolution professionnelle ou une reconversion.

J’ai décidé d’écrire une série d’articles sur quelques-uns de ces verrous, et plus spécifiquement sur ceux que j’observe dans mes accompagnements.

Il est fort possible que vous vous posiez la question suivante : mais de quels types de verrous parle-t-on ? Voici donc, dans cet article, une première réponse : un verrou s’ouvre avec une clé et est donc un problème solvable. Sinon, ce n’est pas un problème, ce n’est pas un verrou, c’est une circonstance, un fait de vie. Et vouloir changer une circonstance relève de l’utopie !

Je vous explique tout cela ci-après. Je vous présente également, en fin d’articles, quelques autres prérequis pour augmenter vos chances de réussite dans cette expérience de hacking professionnel.

1/ Verrou ou circonstance ?


Rien de pire que de perdre du temps, qui est une denrée rare, à traiter les faux problèmes, à vouloir ouvrir des verrous qui n’en sont pas.

Décider sur quels problèmes travailler est l’une des plus importantes décisions que vous prendrez, parce que beaucoup de personnes perdent des années (voire toute une vie) à travailler sur les mauvais problèmes.

Burnett & Evans2, p. 5, traduction personnelle.

Travailler sur les bons problèmes est un point clé de l’approche de life design proposée par Burnett et Evans. Ils nous invitent plus particulièrement à ne pas confondre problèmes de gravité (gravity problems) et problèmes solvables !

A. C’est quoi un problème de gravité ?

C’est un problème sur lequel nous avons tendance à rester bloqués alors qu’il n’est pas solvable. C’est comme vouloir ouvrir un verrou dont la clé n’existe pas !
Burnett et Evans le nomme problème de gravité, car sa résolution est aussi vaine que la lutte contre la gravité en montée 🙂 ! En effet, envisager de supprimer cette dernière pour aller plus vite est impossible, car elle est immuable.

(…) C’est-à-dire que ce ne sont pas des véritables problèmes. Pourquoi ? Parce qu’en life design, si ce n’est pas actionnable, ce n’est pas un problème. (…) C’est une situation, une circonstance, un fait de vie.

Burnett & Evans2, p. 9, traduction personnelle.

Ainsi, ce que nous prenons parfois pour des problèmes n’en sont pas. Un problème se résout (un verrou s’ouvre avec une clé). Or, parfois, nous restons bloqués sur des situations sur lesquelles :

  • Nous n’avons pas de prise directe,
  • ni de possibilités réalistes de les résoudre,
  • Sauf à consentir un effort déraisonné, sans garantie de succès (même si Instagram et Linkedin regorgent d’histoires extraordinaires :)), voire une probabilité d’échec très élevée.

Ces problèmes insolvables sont en réalité des circonstances, des états de fait. Ce sont des situations qui ont un caractère immuable.

Burnett et Evans mettent en évidence que ce caractère immuable est parfois difficile à appréhender. Pour illustrer ce point, ils évoquent le cas d’un homme qui travaille dans une entreprise familiale. Depuis 132 ans, les dirigeants de cette dernière ont toujours été des membres d’une seule et même famille. Il n’est pas question, officiellement, que cela change. Mais, cet homme se dit qu’un renouveau sera peut-être possible d’ici 3 à 5 ans, et qu’il pourra peut-être incarner celui-ci. Oui, il a le droit de persévérer dans cette voie, mais il doit avoir conscience que les garanties d’aboutir sont, à ce jour, quasiment inexistantes ! C’est une prise de risque importante, avec un taux d’échec associé élevé.

Pour vous aider à appréhender ce concept de circonstances, je vous propose ci-après quelques exemples.

B. Quelques exemples de circonstances

# Des circonstances du monde du travail actuel

Sans prétendre à l’exhaustivité, il me semble que nous vivons de nombreuses situations sur lesquelles nous avons, très souvent, peu de prises à notre échelle, dans le monde du travail. Par exemple :

  • Des changements organisationnels incessants,
  • L’hyperconnexion qui renforce le caractère urgent et prioritaire des tâches,
  • Les demandes incessantes qui empêchent le travail de fond,
  • La place croissante qu’occupe le reporting,
  • La tyrannie des projets qui s’enchaînent,
  • Faire plus avec moins,
  • Des systèmes qui créent des tensions de rôle,
  • Des décisions déconnectées du terrain,
  • Un manque de vision de la part de la direction générale,
  • Le manque de reconnaissance,
  • Des modes de management néfastes, soit en raison du profil du manager, soit parce que la pression subie par ce dernier se répercute sur l’équipe,
  • Une précarité d’emploi pour les moins qualifiés,
  • Des perspectives d’évolution internes corrélées à la taille de l’entreprise,
  • Des discriminations à l’embauche (même si elles sont interdites),
  • Des bassins de l’emploi carencés,
  • Des options de carrière qui se rétrécissent avec l’âge,
  • Etc.

Bien évidemment, parmi ces situations, certaines sont possiblement évolutives (et heureusement), ou n’existent pas dans certaines structures. Mais la majorité d’entre elles est, à ce jour, un état de fait.

# Les autres ?

Ensuite, si je peux le formuler ainsi, les autres sont des circonstances.
Attendre de notre manager Jean-Michel qu’il devienne moins contrôlant parce qu’il a suivi une formation de 2 jours sur le management est un leurre. Jean-Michel n’est pas un problème, il est une circonstance !
Lorsque nous n’osons pas faire certains choix de vie par peur du regard des autres, et que de fait, nous restons bloqués, nous sommes face à un problème de gravité. Ce que pensent les autres est une circonstance, un fait de vie.
Et ce point est fondamental : nous n’avons pas le pouvoir de changer les autres. Nous pouvons simplement choisir la façon dont nous souhaitons (ou non) composer avec ce qu’ils sont et ce qu’ils pensent.

# Et moi ?

Enfin, je suis assez persuadée que nous sommes nous-mêmes une circonstance :). Il y a nécessairement une part de nous qui est immuable, des traits de notre personnalité qui continueront de s’exprimer, quels que soient le métier, l’entreprise, le rythme, le statut, etc. que nous aurons.

C. Que faire de ces verrous qui sont en réalité des circonstances ?

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Lina. 44 bougies sur le gâteau! Pour elle, cette journée est à la fois source de joie et aussi de questionnement. Lina aurait bien envie de changement car son travail l'épanouit peu. C'est peut-être le moment de donner vie à son rêve de toujours : devenir médecin ! Mais, à 44 ans, reprendre 10 années d'études, elle n'en a pas le courage. Et puis, entre sa vie de famille et les factures à payer, elle ne peut pas. 

Lina se trouve face à un problème de gravité. Même si c’est son rêve, elle sait qu’elle ne veut pas/ne peut pas consentir cet effort d’études sur une aussi longue période. Et, par conséquent, elle reste bloquée dans un travail qui l’épanouit peu. Comment faire ?

# Les accepter

D’abord, il s’agit d’accepter ces circonstances. Lina doit accepter que cette reprise d’études n’est pas possible, et que ce projet de reconversion n’est pas réaliste. En tout cas, il ne l’est pas à l’instant t.
Il ne faut pas se mentir, ce travail d’acceptation peut s’avérer difficile et nécessiter un peu de temps.

# Porter un nouveau regard

Accepter ces circonstances, ce n’est pas forcément renoncer mais temporiser, ou être faible (le fameux “pourtant, quand on veut on peut”).
C’est surtout se donner la possibilité d’envisager le problème sous un angle nouveau. De le transformer en verrous dont nous pouvons désormais trouver les clés !

Dans le cas de Lina, celle-ci pourrait se demander : pourquoi ai-je envie de devenir médecin ? Est-ce que je peux transposer ces sources de motivation à d’autres métiers ? Si oui, est-ce que certains m’attirent ? Est-ce que les conditions d’accès sont compatibles avec mes contraintes personnelles ? Etc.
Aussi, son problème ne serait plus “je voudrais devenir médecin mais je ne veux pas reprendre 10 années d’études“, mais “ma situation actuelle ne me convient plus et je vais engager une réflexion pour définir un projet qui répond à mes aspirations et qui soit adapté à ma situation personnelle“.

Si travailler avec Jean-Michel est pénible, plusieurs options seront à étudier :

  • Trouver des mesures compensatoires pour ne pas trop le subir (ex : télétravailler quand il est au bureau),
  • Lui proposer des procédures qui le rassurent ET qui ne nous coûtent pas trop,
  • Travailler sur nous-même pour ne pas nous laisser submerger par son hypercontrôle (lâcher prise),
  • Apprendre à lui dire non,
  • Partir…

Le nouveau regard que nous porterons sera d’autant plus bénéfique que nous aurons conduit ce travail d’acceptation. Sans lui, nous pourrons peiner à envisager de nouvelles options, et celles-ci pourront nous paraître sans cesse insatisfaisantes, ou avoir un parfum de “si seulement”.

2/ Autres prérequis


Ce que je vais vous livrer ne repose sur aucun fait scientifique. Ce n’est que le fruit de mes expériences personnelle et d’accompagnante.

Avoir la conviction que les verrous peuvent “sauter”

Lapalissade bonjour ! Et pourtant, il est très fréquent de traverser des phases où plus rien ne nous semble possible. Comme si nous avions atteint un palier et qu’il n’y avait pas d’échelle pour atteindre le suivant.

Non, les verrous, s’ils sont bien identifiés, et les clés construites progressivement, peuvent être ouverts. Et une même clé peut débloquer plusieurs verrous !

Patience !

Le plus challengeant dans un monde où l’on nous fait croire que tout est possible en 4 minutes 🙂

Ne pas faire preuve de patience est en soi un verrou. Le manque de patience peut s’avérer limitatif, ou conduire à des choix professionnels que nous regretterons ensuite.

Par ailleurs, certains verrous vont s’ouvrir avec rapidité, et d’autres nécessiteront une ouverture plus lente.

Rester en mouvement pour trouver les verrous et les clés

Nous avons conscience de certains verrous, et d’autres que nous ignorons. Très souvent, c’est l’expérience qui nous les fait découvrir. Ou une lecture, ou un échange avec un tiers.

Les identifier, et en trouver les clés requièrent de rester en mouvement tels les tennismen et tenniswomen à la réception d’un service !

Ce mouvement peut prendre plusieurs formes : des lectures, des écoutes, des rencontres, l’écoute d’opportunités, etc. Et surtout, une très grande curiosité.

Parfois, la clé d’un verrou est un choix

En écrivant ces lignes, je pense tout particulièrement à l’équilibre de vie après lequel nous courons tous.

Parfois, nous sommes enfermés dans une situation car nous recherchons un idéal. Super carrière, super parent, super compagnon, super enfant, etc. Mais en réalité, cela est impossible. En tout cas, c’est ma conviction, et c’est aussi celle de Nina Bataille dont je vous partage la citation :

En effet, pendant plusieurs semaines, mois ou années, vous pouvez décider de mettre l’accent sur votre vie professionnelle et, à un autre moment, privilégier votre vie intime. Mais vous ne pouvez pas vous « donner » à 400% sur les deux tableaux en même temps, c’est tout bonnement impossible.

Nina Bataille3

A bientôt pour le prochain article (je n’ai pas encore décidé à quel premier verrou vais-je m’attaquer !).

Sources

1Vargas F., Sous les vents de Neptune, Editions Viviane Hamy, 2004

2Burnett B. & Evans D., Designing your life, Alfred A. Knopf, New York, 2016

3https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/nina-bataille-gestion-du-temps-conseils?utm_content=buffer802ff&utm_medium=social&utm_source=linkedin&utm_campaign=buffe

Last Updated on 20 September 2023 by Daphnée DI PIRRO